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N° 3 - mars 1998
Le problème technique
Le problème financier
Le problème politique
Le problème culturel
Un appel aux bonnes
volontés
Introduction
Dans le cadre de la conception de logiciel, l'internationalisation est le processus de généralisation permettant de prendre en charge une grande variété de langues et de particularismes locaux. La localisation est le processus d'adaptation d'un produit (logiciel plus documentation) à une zone géographique déterminée.
Un groupe de travail est constitué depuis mi-1996 au sein de l'AILF afin de mettre à la libre disposition d'un public professionnel un ensemble de documents qui facilite l'exportation et l'importation de logiciels.
Cette action a trouvé son point de départ dans le constat que dans notre pratique quotidienne, nous (informaticiens et traducteurs) rencontrons régulièrement des entreprises qui non seulement ne sont pas au fait de ce qu'exporter un logiciel implique, mais de plus ont une réaction de refus devant les coûts engendrés. Cela s'explique par un manque de sensibilisation sur ce sujet au niveau des acteurs décisionnaires (chefs d'entreprise, responsables de projets), par un manque cruel d'informations exhaustives utilisables dans notre langue, mais aussi par le manque doutils linguistiques adaptés.
Les objectifs de notre groupe de travail pour lannée 1998 sont triples. En premier lieu, il sagit de rédiger un document, destiné à la DGLF(1) qui présente la problématique associée à la localisation des logiciels, de létranger vers la France et inversement. Cette problématique recouvre linternationalisation, et se pose en termes techniques, financiers, politiques et culturels.
En second lieu, il sagit de rédiger un document destiné à une large audience, décisionnaire et technique, qui réponde à deux objectifs :
En troisième lieu, dadapter et de publier ce document sur Internet dans différentes langues, de le faire connaître à la communauté francophone, puis internationale, et de le faire évoluer en fonction des diverses avancées techniques, normatives et des remarques apportées par les lecteurs.
Tout logiciel qui interagit avec un utilisateur doit assurer une communication et une restitution d'informations. Ces informations doivent être compréhensibles par l'utilisateur et ne pas le heurter culturellement sous peine de non-utilisation de ce logiciel. Une information compréhensible et culturellement acceptable par lutilisateur implique de nombreux aspects (adapté d'un document réalisé par le groupe NoTIAL(2)):
1. le respect de sa langue
· le support de son écriture : alphabets, idéogrammes, sens d'écriture, vocabulaire, grammaire, ...
· le respect des mots conventionnels : nom des jours, mois, unités de mesures, ...
· le respect des conventions de présentation : formats conventionnels de l'heure, de la date, des nombres, des valeurs monétaires, numéros de téléphone, présentation des adresses, ...
· le traitement de la langue selon les règles en usage : tri alphanumérique, équivalences minuscules-majuscules, équivalence de caractères, césure de mots, analyse morpho-syntaxique et sémantique, ...
· l'attention portée au sens des mots et/ou à la prononciation qui peuvent être péjoratifs.
2. le respect de sa culture
· le respect des codes et croyances attachées aux couleurs, aux nombres : par exemple au Japon, la couleur bleue est attachée à la mort et le chiffre 4 na pas bonne réputation ; la limite entre le vert et le bleu n'est pas la même pour les latins et les Anglo-saxons, ...
· le respect des codes visuels, en particulier avec les interfaces graphiques qui exploitent les illustrations sous forme dicônes qui représentent la vie courante dans un pays (boîte à lettres, soins,...),
· le respect des codes moraux et religieux en vigueur : dernier exemple en date malheureux de Microsoft au Mexique, dont le dictionnaire Espagnol de synonymes donnait un équivalent péjoratif au mot indien.
La prise en compte de l'internationalisation dans un logiciel existant implique généralement sa réécriture complète. Ce qui signifie le lancement d'un nouveau cycle de vie complet : codage, tests, réécriture de la documentation française, écriture de la documentation dans la langue cible. Les coûts associés sont importants et conduisent quelquefois à l'abandon pur et simple de l'idée d'une exportation possible. De plus, toute internationalisation réalisée à la hâte et sans réflexion globale conduit généralement à une mévente dans le pays cible et à un nouveau cycle de vie pour toute localisation vers un nouveau pays.
Ces processus d'internationalisation et de localisation sont connus dans leur ampleur par les " grands " du logiciel qui ont pu consacrer les moyens financiers et humains nécessaires à l'acquisition des connaissances indispensables, ainsi que par quelques sociétés qui se sont spécialisées sur ce créneau. Un certain nombre de techniques sont jalousement conservées par ces sociétés. Elles relèvent du " savoir-faire maison " et du secret industriel car générant un chiffre d'affaires. Il est néanmoins possible de trouver quelques ouvrages sur ce sujet, tous d'origine anglo-saxonne, aucun n'étant complet. Dans ces ouvrages, les auteurs défendent leur chapelle, c'est-à-dire la plate-forme matérielle sur laquelle s'exécutera le logiciel internationalisé et localisé. Aucun ouvrage indépendant et (presque) exhaustif en français n'est disponible. Tout cela conduit une société désirant exporter son logiciel dans un pays non francophone à trois solutions, chacune coûteuse :
· réinventer la roue,
· confier l'internationalisation et la localisation à une société spécialisée,
· abandonner son projet.
Ce schéma d'exportation de logiciels français vers l'étranger est également valable pour le schéma contraire : l'importation de logiciels étrangers vers la France.
En dix ans lÉtat a investi près de 400 millions de Francs pour favoriser lessor de lIngénierie Linguistique en France [Abbou 97]. Ceci sans compter ce qui a été investi dans le cadre normal du financement de lÉducation. Quels sont donc aujourdhui les résultats utilisables par tout à chacun des outils créés grâce à cette manne financière ?
La réponse est : " Rien ou presque ! ". Bien que tout ceci ait été financé avec nos impôts (individuel et Société) nous ne pouvons pas en disposer sans devoir payer encore. Les sociétés et les laboratoires de recherche concernés nous font payer la mise à disposition de ces outils qui leur appartiennent ! Si cela peut se concevoir pour les sociétés qui ont apporté une partie de leurs compétences, jai des difficultés à ladmettre pour les laboratoires universitaires. Depuis des années, ils ont constitué de nombreux fonds linguistiques : dictionnaires de mots, de mots composés, de synonymes, dexpressions. Mais, bien que ces travaux aient été réalisés grâce à des fonds publics, ces outils de base ne sont pas disponibles gratuitement.
Nous souhaitons intervenir auprès des instances gouvernementales afin que ces travaux puissent enfin être mis gratuitement à la disposition du public : dictionnaires, systèmes de création de néologismes, systèmes de traduction, etc.
Lutilisation gratuite de ces outils doit permettre daccélérer le choix judicieux des traductions des termes informatiques et de faciliter leur diffusion auprès de lensemble des acteurs concernés par la localisation et linternationalisation.
Aujourdhui, nous sommes envahis par la langue anglaise, pour être précis par laméricain. Les distributeurs de films ne se donnent même plus la peine de donner un titre français aux films passant dans les salles obscures : Speed, Boogie nights, Ice storm, The end of violence The boxer, Will hunting, etc. La publicité fait de même. Le français, parent pauvre de lÉducation, est mal parlé, mal écrit, et le sens des mots gravement modifié par les jeunes générations. Sil est normal que notre langue évolue, par intégration de mots étrangers, il nest pas normal que ces mots étrangers se substituent à des mots français existants (challenge, exiting, ). Lutilisation de logiciels mal localisés impose à notre société un modèle culturel qui nest pas le nôtre. Ce modèle est imposé en particulier par les mauvaises traductions et les icônes utilisées.
Pour nous informaticiens, ce qui nous fait le plus de mal est sans contestation possible les choix opérés par les commissions officielles de terminologie. Entre autres choses, les choix de francisation de la prononciation des mots anglais (bug, e-mail, etc.), non seulement ont fait sesclaffer une grande partie de notre profession et au-delà, mais encore, ont totalement décrédibilisé le travail effectué pour lutilisation correcte du français. Car notre langue est riche et bien souvent il est possible de trouver une traduction correcte. Mais il est nécessaire pour cela de disposer doutils linguistiques évolués et complets pour aider les traducteurs.
Le but premier du groupe AILF était la réalisation d'un document complet, accessible par Internet, donnant les informations techniques nécessaires à la conception et à la réalisation de logiciel international dès la première ligne de code écrite. Et donc de permettre de limiter les coûts d'exportation aux coûts de traduction, ce qui pour des traductions de bonne qualité n'est pas négligeable.
Compte tenu des moyens humains mis en jeu (bénévolat) et de l'ampleur du document complet et cohérent à réaliser (si possible en plusieurs langues), une façon de l'obtenir dans un délai raisonnable est de collaborer avec dautres groupes ou individus.
Si vous vous sentez concerné par les problèmes évoqués ci-dessus ou si vous disposez dune expertise particulière et de temps, contactez-moi !
Lionel Delafosse
Tél.: 02 99 63 65 92
Mél. : lionel_delafosse@mail.dotcom.fr
(1)
Délégation Générale à la Langue Française
(2)
groupe de travail dans le domaine de la Normalisation des
Technologies de lInformation dans leurs Aspects
Linguistiques. Ce groupe qui réunit des représentants de
différents organismes publics et privés, sest
initialement mis en place dans le cadre dun accord de
coopération entre la France et le Québec dans le domaine des
autoroutes de linformation.
Référence :
[Abbou 97] La situation de
lingénierie linguistique en France - André Abbou - La
tribune des industries de la langue et de linformation
électronique - N° 25-26, avril 1997 décembre 1997
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